Sur une chatte favorite
Qui s'était noyée dans un bassin de poissons rouges, mars 1747 (traducteur anonyme des Poésies de Gray).
C'était sur les bords élevés d'un vase, où l'art de la Chine avait coloré, du plus brillant azur, des fleurs épanouissantes, que la pensive Sélima, la plus réservée de l'espèce tachetée, s'inclinait en fixant les yeux sur le lac en dessous.
Sa queue complice a décelé sa joie. Sa face ronde et jolie, sa barbe de neige, ses pattes de velours,la variété de sa robe qui le dispute à l'écaille, ses oreilles de jais, ses yeux émeraude, elle voyait tout cela et filait (1) de plaisir.
Toujours elle y eut regardé : mais on vit se glisser au sein de l'onde deux formes angéliques, les génies de cet océan. Brillante de couleurs de Tyr, leur armure écailleuse offre à la vue l'éclat de l'or qui perce à travers la plus riche pourpre.
A cette vue, la Nymphe infortunée, saisie d'admiration, se sentit pressée des plus ardents désirs. d'abord elle dresse sa moustache, puis elle avance une griffe qui s'efforce, mais en vain, d'atteindre sa proie. Quel cœur féminin est insensible à l'attrait de l'or ! Quel chat résiste à celui du poisson !
Présomptueuse femelle ! les yeux toujours fixés, elle s'étend encore, elle se penche davantage, elle ne connaissait pas la profondeur de l'abîme. Le sort malin se tenait près de là en souriant. les bords du vase ont trahi ses pieds déçus ; elle y tombe précipitée.
Huit fois surnageant au-dessus des flots, elle miaule, elle appelle à son aide toutes les divinités des ondes. pas un dauphin ne parut, pas une Néréide n'en tint compte. Suzanne, le cruel Tom furent également sourds : un favori n'a point d'amis !
Apprenez de là, beautés mieux instruites, qu'un faux pas est irréparable. Ne vous hasardez qu'avec précaution. Tout ce qui tente vos regards distraits et vos cœurs sans défiance, n'est pas de bonne prise ; tout ce qui brille n'est pas or.
(1) On dit d'un chat qu'il file, pour exprimer ce murmure qui ressemble au bruit d'un rouet .