Critique du film Saint-Ex, réalisé par Pablo Agüero

josianemorel Par Le 30/12/2024



Sorti le 11 décembre 2024, Saint-Ex avait tout pour séduire : un réalisateur talentueux, Pablo Agüero, et une distribution prometteuse avec Louis Garrel dans le rôle d’Antoine de Saint-Exupéry et Vincent Cassel dans celui d’Henri Guillaumet. Le film ambitionne de narrer un épisode marquant de la vie de l’écrivain-aviateur : en 1930, en Argentine, Saint-Exupéry, alors pilote de l’Aéropostale, se jette dans une quête désespérée pour retrouver son ami et mentor, Henri Guillaumet, disparu au-dessus de la Cordillère des Andes. Une histoire riche de promesses qui aurait dû mêler héroïsme, dépassement de soi et poésie. Malheureusement, l’ensemble manque sa cible.

Un récit désordonné et déséquilibré

Le film prétend explorer la relation entre Saint-Exupéry et Guillaumet, mais échoue à transmettre l’intensité émotionnelle et humaine d’un tel lien. Les personnages sont brossés de manière si grossière qu’ils révèlent des silhouettes proches de la caricature. Antoine, incarné par Louis Garrel, se réduit à une figure rêveuse et décousue, tandis que Vincent Cassel surjoue un Henri Guillaumet héroïque, à la limite du stéréotype. Les dialogues manquent de profondeur, et l’histoire, au lieu de se concentrer sur l’urgence de la mission, s’éparpille dans des scènes contemplatives ou absurdes, comme celles, grotesques, qui impliquent une otarie…

Une absence d’enjeu dramatique

Alors que l’idée d’un homme prêt à tout pour retrouver son ami dans les conditions extrêmes des Andes aurait pu donner lieu à une intrigue haletante, le film peine à captiver. L’héroïsation bancale des événements et l’absence de progression dramatique rendent le récit confus et monotone. Les enjeux personnels et philosophiques de Saint-Exupéry, notamment sa capacité à rêver et à dépasser ses propres limites, sont à peine effleurés et s’évaporent dans des scènes aériennes répétitives.

Une dimension visuelle et littéraire inaboutie

Toutefois, le film se distingue par ses panoramas aériens, qui offrent des moments de beauté indéniable. Cependant, on s’interroge : ces vues spectaculaires sont-elles le fruit d’authentiques prises de vue ou de montages numériques ? Cette ambiguïté, bien qu’artistiquement intéressante, contribue à une impression générale de déconnexion avec la réalité brute et poétique de l’expérience vécue par Saint-Exupéry.

Seule l’évocation du carnet de croquis de Saint-Exupéry, intégré par touches dans le récit, réussit à rappeler la dimension littéraire de ce personnage hors du commun. Malheureusement cet élément reste sous-exploité, et l’on aurait aimé percevoir davantage de liens entre son art d’écrire et son rôle d’aviateur.

Une promesse manquée

En définitive, Saint-Ex est une œuvre visuellement plaisante parfois, mais désordonnée et dépourvue d’un véritable tempo narratif. Malgré les richesses du sujet, Pablo Agüero s’égare dans une esthétique qui laisse peu de place à la sincérité d’une intrigue captivante. Ce film, sorti avec beaucoup d’attentes, apparaît frustrant, car incapable de rendre hommage à la grandeur d’Antoine de Saint-Exupéry et à l’héritage de l’Aéropostale… ridiculisée par l’entêtement vocal d’un directeur prompt à suspendre ce service de courrier.