Robert Muchembled, professeur honoraire des universités de Paris, signe aux Belles Lettres un essai passionnant sur le jeu de séduction entre les sexes et les milieux sociaux à partir du règne de François Ier jusqu'à nos jours. Femme fatale opposée à l'épouse chaste et obéissante, mythe de la Parisienne, contraste entre amours au village et amours à la ville, hauts et bas en matière de misogynie, selon les époques, tout cela apparaît au travers des œuvres littéraires, des films, des BD pour repérer les théories et les pratiques.
J'ai savouré les pages sur les aventures des présidents successifs de notre République qui n'avaient rien à envier à Louis XV. Qui fut le "roi des séducteurs", je vous le demande…
Pour être plus personnelle, j'ai aimé l'évocation de l'adolescence "contrôlée" des plus âgés d'entre nous. Surprise et intéressée par l'évocation de la vie des instituteurs et institutrices sous la férule du Code Soleil, leur code moral professionnel, du nom d'un chef de bureau qui a rédigé cet opuscule resté figé de 1923 à 1979. Le métier était conçu comme un apostolat. Je cite : "Le maître devenait le guide intellectuel, moral et social de la colectivité qui l'entoure. Il lui fallait donc être irréprochable dans sa tenue, son comportement public, sa vie privée, celle-ci étant l'illustration de la leçon de morale ou de civisme qu'il donne à l'école. L'institutrice devait plus encore se contrôler, car tout écart de sa part alimenterait les mauvaises langues. Elle avait droit (quand même) à une vie privée, à condition d'éviter les fréquentations douteuses et de ne pas se mêler le samedi soir aux filles de son âge pour aller au bal, mais de rester sagement derrière sa fenêtre pour regarder les malheureuses partir se perdre dans de tels divertissements." ( p. 287)
L'auteur a évité de rédiger un ouvrage didactique corseté dans un appareil de notes, ce qui rend le livre parfaitement accessible à un large public de curieux et curieuses de tous âges férus d'histoire et d'authenticité. Il n'hésite pas à illustrer concrètement le propos avec sa propre généalogie et sa propre expérience de vie. En qualité de lectrice, je n'hésite pas à avouer que je n'ai pas été une pure adepte du Code Soleil dans toutes ses composantes (je pense au bal du samedi soir…), mais que j'ai toujours théoriquement et pratiquement considéré que le métier d'enseignant(e) n'est pas tout à fait un métier comme les autres.
Bravo au parcours professionnel de Robert Muchembled qui, parti d'un milieu modeste, a franchi toutes les étapes et obstacles pour accéder aux plus hauts grades universitaires et produit plus de trente ouvrages.