Autour du chêne

Poèmes de Daniel Krakowski

Le vieux chêne

Surgi là via un gland de passage,

Se trouvait très surpris

D'être seul dans un champ.

A l'abri d'un talus,

Il put devenir grand

Puis dominer les haies

Et abriter ces clans

Que forment les oiseaux

Quand ils sont en voyage.

Quelques siècles plus tard,

Son embonpoint aidant,

Il recevait beaucoup.

Des volatiles certes,

Mais aussi des humains

Qui l'avaient découvert

Et s'adressaient à lui,

Témoin de l'univers.

Ils louaient sa splendeur,

Mesuraient son pourtour,

Estimaient sa hauteur,

Questionnaient les voisins

Et scrutaient chaque branche.

Un beau jour, vint un car

Chargé de doctes gens,

Tous bardés d'appareils,

Et tous, le regardant,

Se déclaraient heureux

D'être ainsi en présence

D'un arbre de mémoire

Au si vaste contour.

Il sera désormais

Au Panthéon des arbres

Car il est remarquable

Explique le label

Décerné ce jour-là.

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La concurrence

Un chêne disait à un hêtre,

Qui le prenait un peu de haut,

Pourquoi veux-tu être le maître ?

L'autre lui dit, tu es de trop !

L'eau semblait suffire aux deux êtres,

Le soleil semblait l'être aussi,

Ainsi va l'esprit de conquête.

Mais un jour, vint la tronçonneuse,

Abattit l'un, l'autre suivit.

Les deux grands arbres ont péri

Pour qu'une route passe ici.

La vie des uns prend la vie des autres.

A entendre certains apôtres

Celle des autres ne vaut rien,

Si on tue, c'est pour notre bien.

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Un jour, un peuplier,

Prospère, mais fort âgé,

Céda la place à un confrère

Très jeune, mais chétif

Et dont la fragile santé

En fit regretter le premier.

Il fut décidé de voter

Pour savoir qui, sur cette place,

Pourrait bien mieux flatter

Le regard de la populace.

Les conseillers en débattirent,

Puis les habitants du quartier.

Ceux du nord voulaient un bouleau,

Une cépée  ferait plus beau,

Dont la blancheur et le frêle feuillage

Aurait flatté le paysage.

Pas question, s'écrièrent ceux d'en face,

Qui auraient bien vu là un cèdre,

Un arbre majestueux, à croissance rapide,

Et de surcroît toujours bien vert.

Le comité des amis de la paroisse

Fut offusqué de ces propositions

Si peu éclectiques

Et finit par prescrire :

C'est un platane qu'il faut planter.

C'était oublier monsieur « not' » maire,

Avec l'autorité que lui confère

L'écharpe aux trois couleurs.

Pas question d'un arbre encombrant

Je m'y opposerai moi, vivant.

Hélas, l'opposition

Décréta le choix peu démocratique

Et proposa, d'un ton emphatique :

C'est un beau chêne qu'il nous faut !

Car un chêne, dans une république,

A une image plus sympathique

Qui conviendrait mieux à ce quartier.

Dans le brouhaha, on décida,

A une voix de majorité,

De choisir un pédonculé.

Hélas pour la majorité

La majorité fut changée,

Il fallut tout recommencer.

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Le chêne et l'arbuste (B.-A. Vigarosy)

Sous un chêne grandi dans le sein des orages,

Un arbuste chétif, tristement végétait ;

    Chaque jour il dépérissait.

Le chêne absorbait tout, la vapeur des nuages

Et les sucs nourriciers du sol qu'il épuisait.

Seulement, quand du ciel les feux rasent la terre,

Quand le soleil s'éteint à la cime des monts,

    L'arbuste, en sa longue misère,

Recevait les secours de ses pâles rayons ;

    Et ce n'était que goutte à goutte,

Hélas ! Qu'un peu de pluie, échappée à la voûte

Du chêne conquérant, arrosait l'arbrisseau

Manquant presque toujours d'air, de soleil ou d'eau.

Dans cet état cruel de honte et de souffrance,

    L'arbuste, s'adressant aux Dieux,

Demandait vainement protection, vengeance...

Un tonnerre ennemi gronde enfin dans les cieux ;

En roulant il s'approche, il mugit, il s'apprête !

    Sur le front du chêne il s'arrête !

Eclate, pourfend l'arbre encore majestueux,

Qui tombe, et de débris jonche au loin le rivage.

L'arbuste, on le devine, en reçut maint dommage ;

Fracassé, presque mort, il se plaignit longtemps

    D'être encore plus misérable...

Pourtant il reverdit et fleurit au printemps.

 

Le tyran qui succombe est encore redoutable.

Le chêne et le marronnier (baron de Saint-Joseph)

Marronnier fleurs 1Dans le parc de Saint-Cloud, au retour du printemps,
Un jeune enfant, que conduisait sa mère,
L'interrogeait à tous moments. / Répondre n'était pas une petite affaire.
Pourquoi ceci ? Pourquoi cela ?
Et la raison de toutes choses. / "Comment, dit-il, cet arbre-là
Est-il couvert de fleurs tout fraîchement écloses,
Tandis que son voisin, encore triste et frileux,
Nous montre à peine sa verdure?
Fions-nous-en, cher fils, aux soins de la nature : / – Avec elle et le temps, chacun peut être heureux.
Ce chêne aura bientôt une riche parure ;
Plus tard tu verras ses splendeurs.

Tout couvert de ses blanches fleurs,
Le marronnier, à la touffe élégante
S'élevant vers les cieux,
Fait le charme des yeux / Et sa beauté t'enchante.
Hélas ! son feuillage léger,
Dès le mois d'août, court le danger / De se faner ; plus de fleurs, plus d'ombrages !
Jusque sous l'aquilon, le chêne verdira,
Et sa cime atteindra
La hauteur des nuages.
Sa force, sa vigueur Sont l'effet et le prix d'une sage lenteur. /  Demande au ciel, enfant, la grâce qu'on envie,
C'est le charme heureux du printemps ;
Mais recherche surtout les vertus, les talents
Qui durent autant que la vie.

Marronnier d inde2

Certes baron, mais voyons ce marronnier du square Le Gall à Paris, doté d'une belle longévité !

Le chêne du Jardin des plantes

Ce chêne est né d'une graine rapportée d'Amérique septentrionale par F.-A. Michaux sous l'Empire. Il se situe à l'entrée côté clinique Saint-Hilaire. A l a recherche d'une illustration pour mon livre "L'arbre de la fable", j'avais fait une photo au printemps 2022. Le voici en video au mois d'octobre. 

 

Photos de chênes remarquables offertes par D. Krakowski

Chene de salbris loir et cher domaine de chesneLe chêne de Salbris (Loire et Cher)

Che ne de bacilly manche 377Le chêne de Bacilly (Manche)

Date de dernière mise à jour : 05/09/2024